Confort : une notion subjective

Au Japon et en Corée, dans un seul espace, une pièce peut servir de salle à manger, de chambre d’amis ou de chambre à coucher. Alors qu’un canapé et des chaises ne peuvent accueillir qu’un nombre limité de personnes, une table basse au milieu du sol permet des positions assises flexibles et un nombre variable de personnes. Cette pratique, loin d’être une simple tradition, reflète une conception différente de l’espace et du bien-être. Les Japonais ont développé tout un vocabulaire pour décrire les différentes façons de s’asseoir, chacune ayant sa propre signification culturelle. Le cousin zabuton ou le zaisu, par exemple cette chaise sans pieds, incarne parfaitement cette philosophie. L’absence de pieds dans les chaises zaisu reflète la culture traditionnelle japonaise d’assise au sol, où s’asseoir près du sol est courant. Dans les cultures coréenne et japonaise traditionnelles, s’asseoir sur le sol était considéré comme une façon de montrer respect et humilité. Dans les cultures de la péninsule arabique, les traditions nomades et les usages induits par les habitacles sous tente influencent encore considérablement le fait que manger à même le sol soit encore souvant une pratique courante même dans les foyers les plus occidentalisé. Cette dimension culturelle et spirituelle du confort mobilier contraste fortement avec l’approche occidentale qui privilégie souvent l’élévation et la séparation du sol. Des siècles de tradition et de comportements conditionnés ont habitué les orientaux à des positions qui semblent trés inconfortables pour les occidentaux.

Aujourd’hui, la mondialisation remet en question ces différences culturelles. Le mobilier est plus qu’un simple élément fonctionnel de nos espaces de vie ; il est le reflet de l’identité culturelle, de l’expression artistique et des périodes historiques. Les designers modernes tentent de créer des produits universels, mais se heurtent souvent à des besoins culturels spécifiques profondément ancrés. Les populations étant habituées à s’assoir sur le sol ont développé des habitudes posturales, notamment en ce qui conçerne le dos. Elles n’ont donc pas les mêmes attentes et les mêmes exigences de confort relatif à une chaise ou à un fauteuil que les populations issues des cultures gréco-romaines ou s’alanguir est la norme. Les assises « dures » sont chez les premiers beaucoup mieux tolérées voir plébiscitées que chez les seconds.

Le défi est de taille : comment créer du mobilier qui respecte les différences culturelles tout en répondant aux exigences d’un marché globalisé ? Certains fabricants optent pour la personnalisation régionale, tandis que d’autres misent sur l’éducation des consommateurs pour élargir leur conception du confort.

Une tendance émergente consiste à repenser complètement la notion de confort. Plutôt que d’imposer une vision unique, les designers explorent la flexibilité. Les meubles modulaires, les espaces transformables et les objets multifonctionnels permettent à chaque utilisateur d’adapter son environnement selon ses références culturelles personnelles. Cette approche reconnaît que le confort n’est pas une donnée objective, mais une construction sociale et culturelle. Un Occidental habitué aux canapés profonds peut apprendre à apprécier la proximité du sol, tandis qu’un utilisateur traditionnel d’assise au sol peut découvrir les avantages du support dorsal.

La diversité des conceptions du confort mobilier nous rappelle que nos façons de vivre ne sont pas universelles. Chaque culture a développé ses propres réponses aux besoins humains fondamentaux de repos, de socialisation et de bien-être. Ces différences, loin d’être des obstacles, constituent une richesse à préserver et à comprendre. Dans un monde de plus en plus connecté, cette diversité culturelle du confort mobilier devient un atout précieux. Elle nous invite à questionner nos propres habitudes, à explorer de nouvelles façons de vivre et à enrichir notre compréhension du bien-être domestique. En fin de compte, le confort mobilier transcende la simple fonctionnalité pour devenir un langage culturel complexe. Comprendre ces différences, c’est ouvrir une fenêtre sur la diversité humaine et rappeler que derrière chaque objet du quotidien se cachent des siècles d’histoire, de traditions et de sagesse collective.